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LE BEAU RÉVEIL
tres de feu ! Ô éclairs, faites-le éclater au large dans l’immense voûte céleste ! Qu’est-il donc, pour que nul ne soit capable de savoir Son Nom et comment il s’appelle, Lui — l’Être même[1] ? »

Il ne faut pas s’étonner cependant de voir le lyrique aux élans sublimes se plaire dans le bonheur quotidien de la vie paysanne. C’est un « chêne plein d’oiseaux », dont la cime baigne dans l’azur lumineux, mais dont les racines s’ancrent profondément dans la terre patriale. Et si le prêtre est le député des hommes auprès de Dieu, il est aussi le député de Dieu auprès des hommes.

Fils de paysans, Gezelle s’est fait le chantre ému de la vie agreste. Dans ses promenades, il s’arrêtait pour contempler les travaux des champs, pour causer avec les gens simples, fermiers, journaliers, hommes frustes qui bêchent, sèment, récoltent, ou prennent, sur le bord du fossé, leur repas de neuf heures : du lard et une tartine de pain noir qu’on mange sur le pouce. Il écoutait le savoureux parler des campagnards, en retenait les archaïsmes, les images et les proverbes qui poussent dru en Flandre. Et dans ses vers il fait revivre tout cela. Comme son « Waterspegel » (miroir de l’Eau), son âme est un miroir qui reflète toute la vie de « ses » paysans :

… « Et la terre aussi se reflète en ce miroir et témoigne de l’art du
  1. Traduction de J. Reylandt.