Page:Camille Melloy - Le Beau Réveil, 1922.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
174
LE BEAU RÉVEIL

et leurs ailes, parce que l’innocence, le chant, les ailes sont des moyens de s’élever à Dieu. Le soleil lui rappelle la Lumière Incréée ; la lune, la pureté de la Vierge Marie. Presque tous ses poèmes débutent par un tableau et s’achèvent en cantique.

Assez rarement il chante les aspects grandioses de la nature. Les montagnes, qu’il ne connaissait pas, et la mer, qu’il voyait rarement, ne sont guère évoquées dans son œuvre. Cependant le firmament et la plaine l’inspirent parfois magnifiquement. Qu’on juge de sa puissance lyrique, par cette ode où il crie et sanglote son adoration devant le Dieu trois fois Saint dont il lit le nom au ciel et sur la terre[1] :

« Être incréé et éternel, l’être le plus parfait qu’on cherchera en
  1. Il faut avoir bien mal lu Gezelle pour oser prononcer le mot : « panthéisme » à son sujet comme le fait M. May de Rudder.
    Comment ? Gezelle panthéiste, même inconscient ? Mais aucun poète n’affirme plus souvent et plus nettement la distinction du Créateur et de la créature, n’offre plus fervemment l’hommage des créatures au Créateur ! Les poèmes que nous citons suffisent à le prouver. « Il y a dans la poésie de Gezelle — écrit le critique hollandais J. Mooy — beaucoup de beautés que les « modernes » incroyants ne peuvent complètement comprendre et sentir. Leurs critiques, fort élogieuses par ailleurs, le démontrent clairement. Ils tâchent de voir en lui un prêtre — au cœur large et bon, sans doute — mais qui serait en dehors de tout dogmatisme et professerait une religiosité superficielle, une espèce de panthéiste qui chercherait sa consolation dans l’adoration de la nature. Rien de plus faux. L’esprit sacerdotal, intimement romain, rigoureusement catholique, l’animait, anime tout son art, et fait tellement corps avec lui que celui qui ne comprend pas cela ou le néglige ne pourra jamais apprécier complètement ni sonder toute la profondeur de la poésie de Gezelle ».