Page:Camille Melloy - Le Beau Réveil, 1922.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
GUIDO GEZELLE

cruellement. On lui reprochait surtout d’écrire en une langue qui n’était pas le néerlandais officiel, et de briser les vieux cadres classiques. Sa langue, ses tours, ses images, ses rythmes, tout était nouveau. Gezelle précédait de cinquante ans ses contemporains !

Suivent plusieurs années où cette belle voix se tait, où ce grand poète ne publie plus que des travaux de folklore et de linguistique, d’ailleurs fort remarquables. Mais ses dernières années furent une révélation. Il publia en 1893 et en 1897 deux recueils : Tijdkrans (Cycle (ou guirlande) du Temps) et Rijmsnoer (Collier (ou guirlande) de poésies autour de l’année), deux chefs-d’œuvre, qui suffiraient à lui assurer une des premières places parmi les poètes de notre temps. Le pays s’émut et admira. Mais Gezelle allait mourir[1].

Guido Gezelle fut un prêtre-poète, dont l’art et la vie furent toujours étroitement unis et intimement fondus ensemble. Son chant n’est que la fleur de son âme, et l’amour de Dieu qui fit de lui un saint, fit de lui un grand poète. Le sourire qu’ont connu les collégiens de Roulers, les malades de Bruges et les pauvres de Courtrai, est le même que celui qui répand sur son œuvre poétique une douce sérénité. Pas de vie plus belle, plus une, plus harmonieuse ; pas de poésie plus spontanée, plus pure, plus vraie.

Amour de la nature, simplicité, fraîcheur, pittoresque, richesse de la mélodie et du rythme, sincérité et profondeur, toutes ces qualités se trouvent à un degré

  1. « Ses obsèques furent une apothéose ; le prêtre-poète qui avait vécu comme un pauvre, fut porté à sa dernière demeure comme un roi. » (J. Mooij).