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LE BEAU RÉVEIL

Sa vie avait été un modèle d’activité, d’humilité, d’abnégation, de bonté. Ceux qui l’ont connu citent de nombreux traits de sa charité vraiment exquise. Plus d’une fois il se dépouilla du nécessaire pour aider les miséreux. Lorsque le choléra régna à Bruges, en 1866, sa charité monta jusqu’à l’héroïsme. Partout il a laissé le souvenir d’un homme aimable, d’un savant modeste, d’un prêtre zélé. Aux yeux du monde qui juge d’après les apparences, Gezelle n’a guère « réussi. » Il ne fut pas toujours compris[1], il connut l’amertume des échecs et de l’oubli. Et cette souffrance supportée en silence ajoute une auréole à celle de la charité et du génie.

Sa vie littéraire ne fut pas moins éprouvée[2] que sa vie sacerdotale. Après des débuts précoces, où il ne s’était pas encore dégagé de toute rhétorique et de tout romantisme, il composa pendant plusieurs années de beaux poèmes[3] que la critique négligea, ou attaqua

  1. On a dit que Gezelle ne fut pas apprécié à sa juste valeur par son évêque. Le poète a toujours protesté avec énergie contre cette assertion. D’ailleurs, son mérite fut reconnu par le Souverain Pontife Léon XIII, qui lui décerna la croix « Pro Ecclesia et Pontifice » ; par le Roi Léopold II, qui le nomma chevalier de l’Ordre de Léopold ; par l’Académie flamande, qui le reçut parmi ses membres ; par l’Université catholique de Louvain, qui lui décerna le titre de docteur « honoris causa » en philosophie et lettres.
  2. Ni moins active : Gezelle a donné des traductions en prose d’ouvrages anglais, français et latins (il traduisit notamment la « Sainte Élisabeth » de Montalembert) ; dirigé quatre revues de littérature, de linguistique et de folklore ; et composé une douzaine de recueils de poésies.
  3. Ce qui nuit à plusieurs recueils de Gezelle, c’est qu’à côté de petits chefs d’œuvre on y rencontre des poésies de circonstance un peu « faciles », et autres morceaux de peu de valeur.