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LE BEAU RÉVEIL

phère dans quoi tout baigne, atmosphère magnifique et adoucissante — fond de la mer, brebis. — Émouvante Camargue, pays en formation — fièvre.

1910.

Ce morceau est-il inachevé ? Ou bien les notations brèves et nettes qui le terminent traduisent-elles si exactement la vision et l’émotion de l’auteur qu’il valait mieux n’y plus toucher ? Je ne sais. Mais j’aime le poème tel quel ; il m’est entré dans l’âme, avec ses lueurs et ses contours.

À tout ce que j’ai cité de Léo Latil, je préfère cependant son beau poème : « L’Aveugle », à cause de l’émotion profonde et vraie qui y halète. Un jour je le lus à quelques jeunes gens : tous demeurèrent saisis ; j’en vis qui pâlissaient et pleuraient… Cela vaut mieux que tout éloge. « Quand une lecture vous élève l’esprit et vous inspire des sentiments nobles et généreux….. » disait La Bruyère… Voici ce poème :

L’Aveugle parle


Mes gestes ne sont pas à moi :
Pour manger j’ai besoin des autres,
Et pour marcher
Des mains.
Où me conduisez-vous ?
Peut-être dans la nuit, peut-être dans la mort.


Oh ! j’ai peur !
Des voix ?
Je ne sais pas ce qu’ils veulent dire les mots que vous m’avez appris.