Page:Camille Melloy - Le Beau Réveil, 1922.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8
LE BEAU RÉVEIL

son ouvrage capital : « Le Roman Russe » qui date de cette époque, Melchior de Vogüé constate que « les négations brutales du positivisme ne satisfont plus la jeunesse » et que, « à défaut de foi, elle a au plus haut degré le sens du mystère, et c’est là son trait distinctif ». Cette inquiétude de l’esprit égara beaucoup d’intellectuels dans l’occultisme ; cette inquiétude du cœur fut cause du mouvement néo-chrétien, — dont il faut dire un mot.

Le mouvement néo-chrétien, qui rallia toute une élite, plus généreuse qu’éclairée, autour de Vogüé, d’Édouard Rod, de Paul Desjardins, d’Henry Bérenger, fut un mouvement vaguement spiritualiste, en faveur d’une espèce de christianisme amorphe, sans dogme, sans église, et qui, à l’exemple de Tolstoï, que Melchior de Vogüé venait de révéler à la France, se forma des enseignements de l’Évangile un seul précepte sentimental : la pitié, — la pitié russe, comme on disait. Les efforts de ce mouvement devaient demeurer stériles et aboutir au plus piteux échec, faute de base orthodoxe. Cette tentative de renouveau spiritualiste qui faisait croire Jules Lemaître à un « retour d’évangile » mérite d’être signalée, non qu’elle ait préparé la renaissance actuelle, mais parce que caratéristique du malaise des âmes en ce temps-là et de leur effort pour en sortir.

Il n’est pas impossible, au surplus, « que la république athée, bassement haineuse et sourdement persécutrice, n’ait produit sur bien des cerveaux en feu l’effet d’une douche d’eau glacée. Beaucoup de jeunes gens se détournent avec horreur d’un gouvernement qui est fait pour les dégoûter ». Témoin le succès grandissant du mouvement royaliste qui rallie autour