Page:Camille Melloy - Le Beau Réveil, 1922.djvu/154

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
LE BEAU RÉVEIL

« Ç’a été ma joie ce matin de voir les délicieuses fleurs au sommet des grands arbres et dans la lumière de l’aurore. » — « Ce qui m’adoucit toujours toute épreuve, c’est de vivre si près de la nature à tout instant. » — « Pour moi, la littérature n’existe plus. La nature me console, elle est mon amie. Je suis dans son intimité, je tiens à elle. J’ai épié tous les moments de la nuit et du jour. J’ai vu dans ces bois de Meuse, que j’appelle mes bois, naître chaque feuille, reverdir chaque taillis. Ils m’abritent et me protègent quand survient la tourmente. » — « J’ai — écrit-il dans une lettre à Francis Jammes, — supporté admirablement, grâce à Dieu, toutes les fatigues, éprouvant même une grande douceur à vivre dans l’intimité de la nature pendant les nuits et les jours. La pluie m’est apparue à certains soirs comme une amie quand elle chantait sur les feuilles et la mince toile qui m’abritait. J’ai senti le printemps de si près avec tant de douceur et de reconnaissance. »

Léo Latil, a dit Barrès, est « un jeune frère de Maurice de Guérin, mais pur ». Quelque intense en effet que soit ce sentiment de la nature, vous n’y découvrirez pas une ombre de sensualisme, ni de ce panthéisme, même inconscient, qui le vicie chez trop d’auteurs ; mais — comme l’a dit François Mauriac, de cet autre doux et pur poète que fut André Lafon — « bien loin que ce frère de Maurice de Guérin se perde dans la nature, il s’y retrouve ; au lieu de se confondre en elle, il se ressaisit. Il ne la substitue pas à Dieu mais du silence des champs et du recueillement des soirs, de l’allégresse des matins, il crée une mysti-