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LE BEAU RÉVEIL

blesses ne fait qu’enflammer davantage. — Il savait d’ailleurs que son grade, qui lui conférait des droits, lui imposait du même coup des devoirs, et qu’il commandait à des hommes qui ont un cœur… et une âme : « Avoir constamment un extrême souci de la justice… Il faut exiger beaucoup, avoir de l’autorité, en acquérir encore, sans perdre le contact des hommes ; il faut toujours pouvoir remonter et consoler. Tout cela s’acquiert et se mérite. » — Au milieu des horreurs de la guerre, qu’il supporte avec une merveilleuse égalité d’âme, il trouve une consolation et une force, dans l’amitié de quelques jeunes hommes d’élite, dans la poésie qu’en de rares occasions il lui est encore donné de goûter un moment, dans son amour serein et fraternel de la nature, dont on retrouve l’expression dans presque toutes ses lettres. Mais ce qui le soutient aux heures les plus dures, c’est le souvenir de sa famille, de la maison paternelle, à laquelle « il pense de toutes ses forces », c’est son amour de la « magnifique terre de France » dont il ne peut entendre parler sans que les larmes lui viennent aux yeux, et c’est surtout sa profonde piété.

Chaque fois qu’il le peut, il assiste à la messe et communie. Il prie et il fait prier. Ses souffrances aussi sont une prière. « J’aime, dit-il, cette solitude un peu amère, ces mortifications physiques continuelles, ces dispositions de l’âme épurée, toujours prête à prier. » (Ceux d’entre les soldats qui ont eu le souci d’ordonner leur âpre vie des tranchées selon l’esprit du Christ — qui est tout d’expiation et de sacrifice — savent par expérience la vérité de ces paroles profondes et quelle joie, quelle paix et quelle pureté confèrent à l’âme ces veillées solitaires et douloureuses, unies, par