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FRANCIS JAMMES

temps, une influence inconstestée. De plus en plus, les jeunes vont à lui ; les catholiques surtout. Les poètes de la génération montante lui doivent beaucoup. Quelques-uns verront leur nom à jamais lié au sien : André Lafon, Léo Latil, Thomas Braun, Pierre Nothomb, Fr. Hugues Lecocq. En Belgique surtout, on l’admire. Et il n’y a, à cela, rien d’étonnant. De tout temps, les Belges ont goûté la simplicité, la poésie des intérieurs, la beauté des gestes quotidiens ; nul ne sait, comme eux, embellir d’un nimbe discret les humbles choses : songez au réalisme familier de leurs peintres primitifs, et à la prédilection de leurs peintres modernes pour les monastères, les béguinages, les villages quiets, les coins d’église pleins d’ombre. Songez que, de Ruysbroeck à Gezelle, le mysticisme flamand n’a jamais perdu contact avec l’humble vie réelle, et mêla toujours une douce familiarité à ses épanchements religieux.

Se peut-il d’ailleurs qu’on ne salue avec reconnaissance ce rafraîchissement, ce retour de franchise et de simplicité, que la littérature doit à Francis Jammes ? Il se trouvera toujours de très bons lettrés pour faire la moue et crier au scandale quand Jammes, poussant trop loin la familiarité, est près de tomber dans le burlesque et le mauvais goût. Il se trouvera toujours des poètes pour préférer à ses vers qui boîtent, les beaux alexandrins rigides des Parnassiens. Mais tout le monde s’accordera à reconnaître en Jammes un vrai poète, et un prosateur incomparable surtout, qui a doté les lettres modernes de quelques-unes de leurs pages les plus fraîches, les plus musicales. Et cela lui sera une gloire fort enviable.