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LE BEAU RÉVEIL

teur de ce clocher où elles nouent et dénouent leur inextricable rosaire, les hirondelles le voient luire. Et à l’heure la plus blanche, elles descendront vers lui dans la vallée, iront le frapper de leur vol, le prenant pour ce qu’il est, pour un filon qui s’est détaché du massif de l’air.

« M. le Curé d’Ozeron sort du presbytère. Le porche en est un arc de pierre allongé, tout simple, avec une boule à chaque extrémité. Sur le fronton d’azur encadré par cet arc est jetée la branche d’un platane. M. le Curé passe dessous. Un instant, son chien et son chat l’accompagnent ; le chien bâille, arque son échine en dedans. Le chat lève la queue, se roidit et s’aplatit ainsi qu’une planchette. M. le curé entre à l’église… »

Pour décrire ainsi, observer ne suffit point : il faut aimer. La poésie est un fruit de l’amour. Et Jammes aime et comprend ses campagnes pyrénéennes. On l’a appelé le Virgile du Béarn. Et il faut bien avouer que tout art véritable puise sa sève dans la terre natale : c’est elle qui éduque la sensibilité de l’enfant, et c’est l’enfant qui reçoit tous les dons du futur poète. Si l’art est universel par sa destinée, il est régional par ses origines. Les poètes qu’on appelle mondiaux sont le plus souvent, les plus fortement nourris de sève patriale. Songez que Dante est un fruit bien caractérisé du sol d’Italie, et Mistral, de Provence, et Verhaeren, de Flandre. Et c’est, je crois bien, ce qui lui vient de son Béarn, qui survivra de l’œuvre poétique de F. Jammes.

Il n’est rien de tel que d’être soi-même, pour avoir de l’influence sur les autres. Le poète dont nous venons d’étudier le génie, a sur la littérature de son