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LE BEAU RÉVEIL

Ailleurs, Jammes se plaît à noter plus longuement, plus minutieusement toutes les nuances :

« La matinée étincela vers midi. L’azur pâlit sous la chaleur, devint gris de perle. À quelque cent mètres, la nappe bleu-de-paon d’une rivière entraînait avec paresse le mirage des aulnes, dont les feuilles visqueuses distillaient un amer parfum et coupaient de leur noirceur violente la blême lumière couleur d’eau… »

Cela est d’un très bon peintre, qui a un regard exercé et une très riche palette.

Rien ne surpasse la belle description par quoi débute l’histoire de « Monsieur le Curé d’Ozeron ». Quel régal aussi que cette prose limpide, harmonieuse, chatoyante et lumineuse ! Surtout en prose, Jammes est poète :

« Le ciel. Et, ivres dans ce matin de juillet, telles que des filles de la brise qui ne connaissent rien que leur vitesse, enguirlandant le clocher, criaillant, décochées ainsi que des flèches, frénétiques, sans poids, gonflées d’azur, et, à chaque seconde, comme si elles allaient briser contre un obstacle invisible leurs minces crânes vides : les hirondelles !

« Elles baissent, se relèvent, accélèrent leur vol qui tient du vertige, virent, aiguisent davantage leurs voix qui déchirent l’espace, tandis qu’à gauche, dans le bleu du soleil, luit une lune parfaite. Il fait frais sous la grande chaleur qui couve. Et l’église d’Ozeron est large ouverte avec, à l’entrée, de l’ombre, et, au fond, Notre-Seigneur Jésus-Christ.

« Sur la place d’Ozeron, on entend l’eau qui coule du tuyau de fer de la fontaine de pierre, une eau aérée, couleur de lumière et qui appelle la soif, toute grelottante encore d’avoir traversé les ténèbres opaques