Et ailleurs : « Les arbres, aussi bien que fleurs et fruits, symbolisent pour moi des êtres ou des sentiments. »
On le voit, son symbolisme n’est pas un procédé littéraire : c’est un don de nature. Et rien n’est agréable comme la manière dont il entrelace l’image et l’idée, la notation directe et la suggestion symboliste ; ses paysages ont une âme qui transparaît à travers leur azur lumineux. Sur l’objet qui frappe sa vue, aussitôt une idée se pose, comme dans cette phrase : « La bergeronnette qui, sur la pierre humide, cherche un équilibre qu’elle ne retrouve qu’en s’envolant : ainsi la parole avant que d’être la prière. »
Et quand il délaisse l’image pour le terme propre, le peintre n’est pas moins étonnant. Il a le secret de « faire voir », d’un trait, avec une merveilleuse exactitude : « La chute d’une digue est si rapide qu’elle semble immobile… » Un monsieur « chaussé de bottes à l’écuyère si hautes qu’il paraissait assis dessus ».
Il excelle dans le tableau en raccourci :
Une nature-morte : « La gravure montre un déjeuner dressé dans une joie de capucines et de bluets. »
Un coin de paysage : « … Heures d’azur, où la génisse sort de l’étable, avec le geste de poser son mufle sur son dos. »
Un personnage, qu’on dirait de Teniers : « Poli commença de déchirer à belles dents une aile de canard rôti : son nez se fronçait au-dessus de sa lèvre luisante. »
Et enfin, cette jolie description, exacte et poétique, du bouvreuil : « Il était beau, avec sa tête de velours noir, son dos cendré, son gilet couleur de tuile éclairée par le soleil couchant. »