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LE BEAU RÉVEIL

bosquet d’ombres qui se serait enlevé de la colline »

Et celles-ci enfin, qui figurent de suaves sentiments : « Le sourire de Dominica était bon comme de l’eau claire sur une rose ». — « Tous ceux qu’il aimait baignaient dans son cœur comme les pétales d’une églantine dans une source ».

Mais sa grâce est surtout ravissante quand il enchaîne ses images et les tresse en festons. Admirez, dans ce fragment de prière poétique, les délicieuses allégories :

« Mère très pure, rendez vos filles semblables à ces gouttes de pluie teintées de ciel, qui roulent sur les feuilles sans y adhérer ni prendre aucune poussière… Que la grâce se répande sur les âmes, les pénètre, les adoucisse comme l’eau ruisselante imbibe et lisse les prairies.

« Porte du Ciel, priez pour nous, à l’heure où nous frapperons à votre cœur, ainsi que, le soir venu, les pauvres prennent dans leur main le heurtoir de la ferme charitable. Faites fléchir pour nous la rigueur. Que nous puissions franchir votre seuil, les pieds dans la douceur des gazons de la miséricorde qui croissent à jamais entre les dalles du perron, la face dans le rideau de volubilis de l’éternelle joie ! »

F. Jammes pense avec ses sens, concrétise en images toujours nouvelles l’immatérielle beauté qui fleurit dans son cerveau et dans son cœur. Il nous fait cette curieuse confidence :

« Je ne puis guère éprouver de sentiment qui ne s’accompagne de l’image d’une fleur ou d’un fruit…[1]. »

  1. Cfr : De l’âge divin à l’âge ingrat : « Je mêle mon amertume passée au parfum qui s’exhalait d’un bâton de houx, coupé par mon père, dans l’une de nos promenades d’automne. »