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LE BEAU RÉVEIL

S’est-il jamais tracé un programme ? Je ne crois pas, le sachant fantaisiste. Mais il pourrait faire sien celui du naïf et raffiné Max Elskamp :

« Vivre en grâce avec Dieu, en amitié avec les hommes, en familiarité avec les bêtes et les choses. »

Il est très simple, ce programme. Mais nous ne demandons au poète que d’être bon, et dêtre sincère. Or, celui-ci est la bonté et la sincérité même. Rien que son âme, mais toute son âme : voilà son œuvre. Il n’y a point de ruse en lui, pas même celle, propre à tout artiste, qui consiste à « arranger un peu les choses », à « composer. »

Son art est spontanéité consciente. Et sans doute est-ce ce respect du naturel, ce soin jaloux de ne point froisser, en la cueillant, la frêle fleur de ses émotions, qui lui a valu de conserver l’ingénuité, le « don d’enfance », comme on est convenu de l’appeler, qui fait que chaque jour il s’éveille avec des sens et un cœur neufs. Ce même respect du naturel lui fera rejeter tout cliché, rechercher toujours l’expression la plus drue et la plus directe, en quoi il se montre styliste raffiné. Ajoutez qu’il est un coloriste et un luministe hors de pair. Tout ce qu’il décrit devient lumière, couleur, harmonie et grâce sous sa plume. Ah ! de quelle baguette magique dispose-t-il donc, ce charmant poète, pour changer ainsi en or tout ce qu’il touche ? Et pourtant il n’idéalise guère, et plus qu’aux plus objectivistes des Parnassiens, je crois que c’est à lui que nous devons la poésie descriptive la plus exacte, les notations les plus précises.

Voici « l’immobile feu des géraniums dans l’azur » ; la pâquerette « dont les racines boueuses sentent le champ labouré » ;

Voici la chatte « qui lèche sa petite patte comme