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FRANCIS JAMMES

rencontrai dans la plaine ; pierres ternes ; ô vous sur qui tombe l’averse pour que boive le moineau ; contre qui butte le pied de l’ânesse ; ô gardiennes qui formez l’enclos des jardins misérables ; qui êtes le seuil concave ; qui êtes la margelle limée par la chaîne du seau ; servantes ; pauvresses polies par les lames des instruments aratoires ; ô vous que l’on chauffe dans l’âtre indigent pour ranimer les pieds des aïeules ; vous que l’on creuse pour d’obscures besognes ; qui devenez humblement la table du chien et de la truie ; vous que l’on pique afin que sous la meule soit broyée la moisson sonore ; vous que l’on taille ; vous que l’on prend, vous que l’on laisse, vous sur qui dormira l’errant ; ô vous sous qui je dormirai… Vous n’avez point, comme vos compagnes alpestres, gardé votre indépendance. Mais, ô mes amies, je ne vous méprise point pour cela : Vous êtes belles comme les choses qui sont dans l’ombre ! »

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? » Oh !  ; comme il a compris cette âme, et comme il l’a naïvenent chantée ! Il faut citer en entier le délicieux petit poème, d’une simplicité enfantine, qu’il a intitulé : La Salle à manger.


Il y a une armoire à peine luisante
Qui a entendu la voix de mes grand’tantes,
Qui a entendu la voix de mon grand’père
Qui a entendu la voix de mon père.
… À ces souvenirs l’armoire est fidèle.
On a tort de croire qu’elle ne sait que se taire :
Car je cause avec elle.


Il y a aussi un coucou en bois.
Je ne sais pourquoi il n’a plus de voix.