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FRANCIS JAMMES


Cette heure solennelle imprimait à son être
Le sceau de Dieu. — « Venez manger, lui dit le maître. »


Il entra ; — et le chien se coucha à ses pieds.
Assis sur l’escabeau dans un coin il soupait.


Sa cuillère semblait faire à chaque bouchée
Le signe de la croix, sous sa face penchée.


Tout près de lui, chaste sœur des filles des cieux,
La flamme déroulait dans l’ombre ses cheveux.


Ce pauvre cheminait par toute la contrée,
Et sa misère aux enfants même était sacrée.


Le maître du logis tenait pour un honneur
D’héberger cette nuit un prince du Seigneur.

« Le cantonnier qui casse des cailloux » est son ami et son confident ; il décrit l’enterrement « d’une vieille paysanne, de celles qui ont mené l’existence d’esclave » ; il a pitié du « petit garçon qui meurt près de sa mère tandis que des enfants s’amusent au parterre »… Et qu’est son « Livre de saint Joseph », sinon une louange continuelle et émue des existences humbles et souffrantes ?

Son amitié se penche vers les bêtes, de préférence vers les « déshéritées ». Il voudrait retrouver au ciel son chien fidèle, « son humble ami » qui vient de mourir. On connaît sa jolie « Prière pour aller au ciel avec les ânes » :

« Je prendrai mon bâton, et sur la grande route
J’irai, et je dirai aux ânes, mes amis :
« Je suis Francis Jammes, et je vais au Paradis… »