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LE BEAU RÉVEIL

choses, sans en pénétrer le sens. De fait, ils ne voient rien. Oculos habent, et non videbunt.

Nous vivons entourés de merveilles, et nous ne les remarquons point ! De l’atome à l’astre, tout est admirable — et l’admiration est le sentiment le plus rare dans le cœur de l’homme. Depuis qu’il a la prétention de tout expliquer, l’homme ne semble plus rien aimer. — Il fait l’entendu en parlant de Dieu, et il ignore la beauté enclose dans la moindre œuvre de Dieu !

Il est bien à plaindre !… Car une vie sans admiration est comme une cour sans soleil…

Heureusement, il y a les enfants, et les poètes ! Ils savent, eux, s’émerveiller encore devant un caillou ou une herbe, et voir tout le ciel dans une aile de libellule. Ils sont heureux. Ils sont heureux parce qu’ils sont simples.

Il suffit d’un brin de paille pour émouvoir le poète. Il faut savoir s’étonner de tout, admirer en toute candeur et simplicité : la simplicité, c’est la porte grande ouverte sur les mystérieux jardins de la beauté cachée. Bienheureux les poètes simples, car le royaume de la terre leur appartient. Joyeux et attendri, F. Jammes a interrogé et compris les humbles choses et les humbles gens. Le Pauvre occupe une place remarquable dans son œuvre, et dans les Géorgiques chrétiennes il est représenté comme un envoyé du ciel :


Comme ils rentraient pour prendre ensemble le repas
De la nuit de Noël, un vieux pauvre était là.


Il se tenait au seuil sous les froides étoiles
Et portait un bâton et un bissac de toile.