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FRANCIS JAMMES

C’est toujours avec cette tendresse qu’il parle des animaux. Pour les décrire, il joint à l’observation d’un La Fontaine la grâce aimable d’un François de Sales : « Le lièvre fuyait… et il avait peur de son ombre, et les bruyères fuyaient derrière sa course,… et ses sauts courbaient les herbes où s’alignaient des gouttes… Et il bondit par la haie, boulé, les oreilles à son derrière. »

Et comme il aime les herbes et les fleurs ! Celles de la montagne, celles du bois, celles du petit jardin souffreteux, et du talus et du fossé… « Quand ton cœur est désert, dit-il, laisse aller à lui l’amitié de la fleur rurale qui orne la croisée ou le talus. » L’ « Almanach de Rustique » renferme des descriptions aussi précises que poétiques de plantes cultivées ou sauvages, le perce-neige, dont la fleur « a l’air d’une mouche blanche au corselet vert » ; l’anémone sylvie, « si légère et si mobile que je ne saurais mieux la définir qu’en disant que c’est du vent qui a pris racine » ; le lilas, qui est « le ciel solide du jardin » ; la digitale, ce « fuseau empourpré par la main de l’aurore » ; le lis, qu’il ne faut déranger, « sinon pour le mettre aux pieds de la Vierge » ; — et toutes !…

La nature, pour ce poète, est une fête, et chaque jour lui tend une coupe nouvelle de jouissances exquises. Sa foi retrouvée est venue approfondir encore cette tendresse pour les créatures. Elle ne lui a pas défendu de s’extasier devant un beau galbe, une nuance délicate, une ligne parfaite, Mais l’émotion, jadis parfois sensuelle, s’est spiritualisée. Il admire encore les lignes du vase, mais il ne néglige plus les trésors y contenus. « Que vos créatures, Seigneur,