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FRANCIS JAMMES

en rougiraient ! Jammes, au contraire, y trouve une nouvelle source d’admiration et de joie. On pourrait lui appliquer ce qu’un critique écrivait de Charles Péguy : « Ce n’est pas lui qui dépeindra le soleil comme un objet de luxe ; il ne puise pas en lui de la langueur ou de la fièvre, de l’orgueil ou de l’anéantissement ; il voit en lui un divin artisan, le patron du champ et de l’atelier qui règle l’heure du lever et du coucher ; il vénère en lui l’ordonnateur des saisons, le collaborateur sacré sans lequel ni le vin, ni le pain, ne peuvent mûrir. Ce qu’il admire dans l’astre, (l’œil du jour comme l’appellent les anciens), ce qui fait bouillonner sa veine lyrique, c’est que le Soleil est utile. Scandaleuse et pourtant juste position que prend un poète en cette époque d’extrême culture ! Saine et salutaire réaction contre l’alexandrinisme essoufflé, compliqué, et puéril, d’une civilisation impuissante à créer rien de grand[1] ! » Dans ses Géorgiques chrétiennes, Jammes a célébré ce soleil travaillant, avec la terre, à produire le blé, le raisin qui feront vivre les hommes.

La nature : œuvre de Dieu, image de ses splendeurs, servante docile de l’homme : ces thèmes renouvelés ont nourri chez notre poète un sentiment que, ne l’oublions point, il tenait de son tempérament même. Car il aima toujours passionnément la nature. Il nous conte qu’à peine âgé de quatre ans, il s’extasiait devant les cailloux, les insectes, les oiseaux ; à neuf ans, devant les plantes. Toujours il s’appliqua, avec délices, à l’étude de l’histoire naturelle — un peu

  1. R. Vallery-Radot. « L’Offrande des Lettres françaises. »