Page:Camille Melloy - Le Beau Réveil, 1922.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
113
FRANCIS JAMMES

il est morbide et porte en soi un germe de mort.

Et pourtant, il existait un amour chrétien de la nature : serein, attendri, lustral et ennoblissant. On le trouve déjà dans ce vieux petit livre toujours jeune qu’est l’Évangile, et bien avant lui, dans les odes enflammées du Psalmiste ; saint Paul en résume la théorie mystique en un de ces comprimés de doctrine en quoi il excelle ; et un des plus authentiques poètes du Moyen-Âge, le séraphique François d’Assise, en donna l’expression la plus gracieuse dans mille traits de sa vie, et la plus sublime dans son « Cantique du Soleil ».

Mais en France nous ne le découvrons qu’à l’état tout à fait sporadique, avant l’École catholique contemporaine dont Jammes et Claudel sont les chefs.

Pour Francis Jammes, la nature n’est point, comme pour Lamartine, « la grande consolatrice dont la solitude guérit les âmes blessées par la vie », ni, comme pour Vigny et Leconte de Lisle, « la grande impassible qui demeure sereine en face de nos agitations et rit sur nos tombeaux ». Elle n’est ni le « grand Tout » des panthéistes, ni la « création idéale du moi » des symbolistes. Elle est plus qu’un spectacle coloré mais moins qu’une émanation de l’Être divin. Elle est une œuvre de Dieu, distincte de son Auteur, mais éminemment digne de notre vénération, à cause surtout de la Beauté divine qu’elle reflète. Considérée avec les yeux de la foi, elle prend un sens magnifique.

Cœli enarrant gloriam Dei… « Dans sa poussière et dans sa gloire », l’univers « raconte » son Auteur.

« La terre, écrit Francis Jammes, n’est qu’une illustration, où le solide esprit du Moyen-Âge découvrait une figure spirituelle… C’est une calamité que l’aban-