Page:Camille Melloy - Le Beau Réveil, 1922.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
LE BEAU RÉVEIL

son sentiment de la nature, — son réalisme et son symbolisme — sa simplicité, sa sincérité, et nous aurons ainsi fait le portrait du peintre minutieux de la vie agreste, du chantre ému du monde visible et de l’âme, et défini le tempérament le plus vraiment poétique de la génération actuelle.

Le sentiment de la nature semble être plus propre aux peuples du Nord qu’à ceux du Midi. Les riants pays méditerranéens n’ont pas inspiré un sentiment très profond de la nature. Théocrite et Virgile, qui l’ont si bien décrite, n’en ont vu surtout que les lignes harmonieuses ; ils n’ont pas été angoissés devant le mystère de son essence, de ses origines et de sa destinée. La France, tant qu’elle a été l’élève de la Grèce et de Rome exclusivement, c’est-à-dire jusque vers le milieu du XVIIIe siècle, ne l’a guère aimée non plus. Là où la nature est implacable de beauté — (comme dans l’Inde) — ou d’horreur — (comme dans le Nord), elle a eu une bien autre part dans la formation de la sensibilité ! Et c’est un Germain — le Suisse J. J. Rousseau, dont par ailleurs l’influence fut si néfaste — qui a enté ce nouveau sentiment sur le tronc, vieil alors, de la poésie française. Depuis lors, la nature a été, à côté de l’amour, la grande inspiratrice. Mais le sentiment de la nature était vicié chez nous, dans son origine même ; avec les Romantiques, tributaires de la Germanie, il est un aliment à l’exaltation du moi, un principe d’égocentrisme ; avec les Parnassiens, sous l’influence de l’orient, il devient pessimiste et bouddhiste. Je ne nierai point que ce pseudo-mysticisme naturiste, — panthéiste presque toujours — n’ait fécondé l’inspiration de bien des poètes ; mais