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FRANCIS JAMMES

Ne concluez point qu’elle est une simple qualité poétique, ni seulement une nouvelle veine d’inspiration, un filon encore inexploité, un répertoire de poèmes lyriques ou descriptifs. Non : elle est orthodoxe, rigoureusement. Elle informe la vie de l’homme avant d’informer l’œuvre du poète.

Il y avait trop longtemps que nous vivions sur cet inconcevable non-sens — cet étrange Concordat intime, dit Jacques Maritain — qui consiste à être chrétien une fois par semaine ou par jour — à l’heure de la messse dominicale ou de la prière du matin — puis à déposer, comme un ennuyeux habit de cérémonie, ce christianisme accessoire, dès que l’on entre dans un cabinet de travail. Nous avons vu ainsi, pendant trois siècles, des poètes, chrétiens de pensée et de mœurs, faire des vers païens, comme si l’Esprit n’avait pas tout renouvelé.

Jammes, lui, devenu chrétien, l’est toujours et partout. Son âme vit de la foi ; pourquoi ses chants ne s’en nourriraient-ils pas ? Son Dieu n’est pas le Dieu abstrait et lointain de Lamartine ; mais un Dieu en qui tout vit, tout se meut, tout existe ; un Dieu qui s’attache à sa créature, qui connaît les étoiles par leur nom, qui nourrit le passereau et vêt le lys des champs, — qui nous porte inscrits dans sa main, selon la sublime image du Prophète ! Réaliste, pourquoi Jammes négligerait-il les réalités supérieures, moins fallacieuses certes que celles qui tombent sous nos sens sujets au mirage ?

Dans le terreau de sa vie psychique servie par d’admirables facultés et fécondée par cette foi bienfaisante, voyons s’épanouir les qualités maîtresses du poète :