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LE BEAU RÉVEIL

s’il n’était chrétien. La religion s’est emparée de même de cette volonté passionnée qu’était le socialiste Charles Péguy, pour en faire un apôtre et un convertisseur irrésistible. De Francis Jammes aussi, c’est bien Elle qui a fait un grand poète. Et pour peu que nous voulions dégager une doctrine de ses chefs-d’œuvre, nous aurons un très original art poétique chrétien. À se faire baptiser, sa poésie n’a rien perdu de son éclat et de sa fraîcheur première. Seulement, elle attribue un sens plus pur et comme immatériel aux choses ; elle élargit sans effort jusqu’au ciel les perspectives de ses horizons journaliers. Elle surprend un reflet d’en haut dans chaque chose d’ici-bas. Elle attend son inspiration de plus loin et de plus haut qu’autrefois : elle remonte aux causes, à la cause.

Et voilà pourquoi il est nécessaire, pour bien comprendre l’œuvre de Jammes, d’étudier d’un peu plus près son catholicisme. Sa foi n’est pas conquérante et fougueuse comme celle de Claudel, ni « accablée et farouche comme celle de Charles Guérin, ni éthérée et planante comme celle de Charles Grolleau ; elle n’a point la majesté sévère et la gravité hiératique de celle de Louis Le Cardonnel. Elle ressemble à l’acte de ferveur naïf et peu raisonneur des bonnes gens du village ; elle demeure positive et réaliste, joyeuse, allègre, décorative, et de belle humeur ; et la bonne odeur du terroir l’enveloppe[1]. » Elle est, selon la pittoresque expression d’un critique, « champêtre et parfumée. » Le titre d’un de ses recueils la définit fort bien :

« L’Église habillée de feuilles. »
  1. Léon Bocquet. Francis Jammes (Revue Générale, février 1915.)