Page:Camille Melloy - Le Beau Réveil, 1922.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
FRANCIS JAMMES

l’ont fait, en trois étapes, Victor Hugo, les Parnassiens, et Paul Verlaine.

Notons que, dans cette évolution de Jammes vers la sobriété, la mesure et la discipline, l’influence du catholicisme n’a pas été étrangère. « Elle a rendu son art plus ferme et plus net, vigoureux, sans raideur cependant ; sa prose même a pris une attitude, une démarche plus assurées, plus souples, comme le pas de celui qui sait qu’il avance dans le bon chemin[1]. »

Sous l’influence du catholicisme, son esthétique s’est profondément modifiée et perfectionnée. Un changement d’éthique imposait nécessairement un changement d’esthétique ! la morale chrétienne ne souffre point de sensualisme ; il y a une contradiction entre les faunes et les anges, et la flûte de Pan communique aux pensées un autre rythme intérieur que la harpe du Prophète. Mais le christianisme n’exige pas le sarifice des dons et des puissances naturelles : il les discipline, mais les élève ; il les exalte, mais en les épurant. Comme il a fait entrer, dans la construction de ses basiliques, les colonnes parfaites et le marbre précieux des temples de faux dieux, ainsi il accepte de l’art profane tout ce qu’il apporte de bon et de vraiment beau. La grâce ne détruit pas la nature, disent les théologiens, elle la purifie et la surélève.

Ainsi, Paul Claudel hésita quelque temps au seuil de l’Église, parce que, croyait-il, elle entraverait son génie. Et voyez, c’est précisément dans le catholicisme que son génie a trouvé son épanouissement plénier, et tellement, qu’on ne concevrait pas Claudel poète

  1. F. Strowski, loc. cit.