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LE BEAU RÉVEIL

ou en vers, tout ce qu’il produit est essentiellement poésie : et les mots qu’il agence, et les images qu’il crée, et les figures qu’il évoque, et les décors qu’il dépeint.

« Ce que vaut son génie, dit Strowski, l’avenir le déclarera à nos arrière-neveux ; mais il a du génie, il a son génie. Dans ce chemin de poésie où il va, il va devant tous les autres poètes. »

Essayons de dégager les caractères de cette poésie, d’étudier une à une les distinctives de sa personnalité et de son originalité, d’exposer à ce propos la nouvelle théorie artistique que prêchent, implicitement ou explicitement, ses écrits ; — en un mot, ayant étudié l’homme en sa vie, étudions le poète en son œuvre.

Ce poète a eu la bonne fortune de trouver directement sa voie, et au lieu d’en chercher une plus large ou plus fréquentée — comme il arrive souvent aux débutants — la sagesse d’accepter cette voie, qui paraissait humble, mais qui avait le grand avantage d’être inexplorée.

Ne forçons point notre talent,
Nous ne ferions rien avec grâce,


disait La Fontaine. Et Jammes n’a point forcé son talent, et il a tout fait avec grâce. Il ne touche point la lyre aux cordes d’airain, et non plus, sinon rarement, la harpe aux cordes d’or. Il joue du pipeau champêtre, tout simplement, — mais il en joue si bien !

Et il importe, précisément, avant d’aller plus loin, d’étudier l’instrument dont il se sert, c’est-à-dire sa langue et son rythme, sa forme d’art, très spéciale