Page:Camille Melloy - Le Beau Réveil, 1922.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
FRANCIS JAMMES

enfants de ses petits enfants l’entoureront. Et nos arrière-neveux iront le voir comme un très grand homme, et ils l’interrogeront avec curiosité : « Parlez-nous de vous ! » diront-ils. Il répondra oui, en souriant, et il commencera à parler, mais non pas comme on l’en aurait prié : il racontera quel drôle de chapeau de paille portait son bon ami Théodor de Wyzewa la dernière fois qu’il l’a vu au bord du gave ; il célèbrera le génie de son ami Claudel ; ou bien il décrira les lacs des Pyrénées, perdus entre deux sommets et qu’il amait à visiter jadis.

Il ne parlera que des autres, car son âme est généreuse et créée pour l’admiration, âme véritable de poète et de chrétien. Et sans cesse elle est prête à s’oublier, à se donner, et à enrichir autrui de sa propre richesse »…

Francis Jammes est-il un grand poète ?

Il faut s’entendre.

Appelez-vous grand poète celui qui traite les grands genres et les œuvres de longue haleine ? Dans ce sens Voltaire le serait, et même Népomucène Lemercier ! Et Jammes ne le serait pas ! Car à part son épopée rustique, les Géorgiques chrétiennes, il n’a donné que de petits poèmes impressionnistes. Il n’a pas le don de la construction puissante. Ses œuvres manquent un peu de composition. La trame de ses romans est ténue, voire un peu décousue. Sa verve n’est ni rabelaisienne, ni hugolienne, ni verhaerienne.

Mais Jammes est un grand poète dans le sens où l’étaient Musset, Baudelaire, Verlaine : — non par l’étendue, mais par l’intensité.

Reprenons le mot de Jules Lemaître à propos de Lamartine : il est la poésie même. Qu’il écrive en prose