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LE BEAU RÉVEIL

nous, ses avides lecteurs, des trouvailles d’idées, d’images, de mots, de rythmes.

M. Jammes persévère dans la foi : il est le pieux fidèle paroissien de l’église d’Orthez. La gloire qui est venu le trouver — si loin de Paris — ne le grise point, et la Capitale n’est point pour lui la Ville tentaculaire.

Comme le poète de Maillane, Frédéric Mistral, qu’il rappelle en plus d’un point, il désire vivre et mourir dans son village. Il est président de la conférence de saint Vincent de Paul et marguillier de la paroisse Saint-Pierre. Et, pour prolonger cette biographie dans l’avenir, j’emprunterai cette jolie prophétie de quelqu’un qui le connaît bien et l’aime beaucoup[1].

« J’imagine, dit-il, qu’après cinquante années, quand la France aura cicatrisé ses blessures et que le ciel aura perdu la couleur du sang, Francis Jammes, devenu tout blanc, habitera encore à Orthez[2], non loin de la Tour de Moncade. Il sera un patriarche. Les

  1. Fortunat Strowski.
  2. M. Strowski a mal prédit. Francis Jammes vient de quitter Orthez pour Hasparren. M. Marcel Provence nous a conté, dans la Revue Universelle (du 15 août 1921) ce qu’a amené ce changement dans la vie de notre poète :
    « Peut-on imaginer plus beau conte que celui-ci : il semble que le bon Dieu n’ait pas voulu être en reste avec Francis Jammes et qu il ait fait un miracle pour son poète. On savait la dure existence de l’écrivain à qui chaque année donnait un nouvel enfant et des charges plus lourdes. Sans malice, il avait confessé ses embarras. Harcelé par un propriétaire impitoyable, il n’avait pu qu’implorer saint Joseph, son patron… Et voilà qu’une âme sensible et chrétienne, en quittant les horizons qu il a chantés, a voulu que Francis Jammes n’en connût plus que les bienfaits et l’a nanti d’un grand domaine au pays d’Hasparren avec la maison, les trois fermes, les prairies et les troupeaux ».