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FRANCIS JAMMES

homme solide, qui a dépassé la cinquantaine ; taille moyenne ; grande barbe poivre-et-sel. Un bon regard brille derrière le pince-nez ; et les mains se tendent accueillantes. Il parle d’une voix un peu perçante, avec un brin du joli accent cadencé et chantant des Béarnais.

On est devant un grand homme ; devant un homme bon surtout, et heureux à cause de sa bonté.

La placide maison est animée par toute une bande de jolis enfants, dont deux ne sont pas inconnus aux littérateurs : l’aînée, Bernadette, une gentille fillette de douze ans, dont l’éveil à la vie a inspiré de si belles pages au poète ; et le quatrième, petit Paul, qui a été tenu sur les fonts baptismaux par le grand poète Paul Claudel.

La richesse et la félicité de Francis Jammes sont sous ce toit ; et cette sagesse lui vaut plus à présent que sa gloire.

Il y mène la vie idéale du poète. Après la messe du matin, il partage sa journée entre les joies du foyer, et les travaux littéraires. Si le temps est beau, il s’en va, coiffé du béret, guêtré, le caban sur le bras, muni de son bâton ferré, de son fusil ou de ses cannes-à-pêche, suivi de Rip, son chien de chasse au pelage tacheté, aux longues oreilles pendantes. En chemin, il salue gaîment, voire arrête pour faire un bout de causette, les villageois qu’il connaît tous par leur petit nom. Et des heures durant, il se livre à ses grandes et saines passions de la promenade, de la chasse ou de la pêche. Mais ce n’est point là un vulgaire passe-temps. Jammes travaille, observe et médite, et rapporte pour ses enfants de jolies fleurs agrestes, pour la cuisinière du beau gibier ou de succulentes truites, et pour