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LE BEAU RÉVEIL

ingrat. » Il y conte avec minutie les mille riens qui font la trame d’une enfance prédestinée[1].

Et maintenant[2], M. Jammes vit heureux dans son pittoresque Béarn, à Orthez, — une petite ville assez cossue, à 38 km. de Pau, qui a du passé, ma foi, et des armoiries. Elle montre encore, toute fière, sa tour de Moncade, reste d’un château des vicomtes du Béarn, bâti par Gaston VII et décrit par Froissart ; une église du XIIe siècle, le bâtiment de l’ancienne Université, et un très pittoresque pont du XIVe siècle qui enjambe le Gave.

Suivez la route nationale qui poudroie et blanchoie au soleil. Puis, non loin de la vieille maison vêtue de lierre qu’habita Alfred de Vigny, l’altier capitaine, remontez cette venelle en pente douce qui court dans les champs.

Dans une muraille d’où retombe la verdure, vous découvrirez une porte rustique, et, l’ayant poussée, vous débouchez dans une cour pleine d’ombre, devant une vieille façade de maison provinciale. C’est là qu’habite notre poète. Un intérieur modeste. Carrelage rouge, bons meubles de chêne vieux qui pourraient déjà conter de beaux souvenirs ; quelques tableaux aux murs ; aucun raffinement.

Dans ce décor, Francis Jammes vous apparaît : un

  1. Francis Jammes, très admiré, parle dans ses livres aussi volontiers de lui-même que du bon Dieu. Cela a donné lieu à cette épigramme pas bien méchante :

     « De l’angélus de l’aube à l’angélus du soir,
    Je m’encense, on m’encense, et je suis encensoir. »

  2. Écrit avant le joli « miracle » qui fit brusquement du poète Rustique sans fortune l’heureux héritier d’un beau domaine.