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LE BEAU RÉVEIL

Redevenir chrétien, c’était astreindre à une Loi ses sens, son cœur et sa pensée ; c’était s’exposer aux railleries et exposer sa réputation littéraire. La force lui manquait pour faire le grand pas, et il priait le Ciel de la lui donner. « Tu ne me chercherais pas, si tu ne m’avais déjà trouvé ! »…

Et un jour, sans éclat, le miracle se produisit.

Ce fut en juin 1905.

« Je me revois, dit-il, une matinée, étendu sur un lit, l’âme et le corps en détresse, humilié, neurasthénique. Quand je sortis de cette prostration qui dura vingt minutes, je prononçai avec un tremblement de larmes dans le gosier : « Il faut que cela soit, ou il n’y a rien ! »[1] Cela ? Quoi ? L’Église catholique apostolique et romaine, qu’avait recommencé à m’enseigner, malgré la séparation des mers, mon deuxième ange gardien, Paul Claudel.

« Je me relevai et, ce matin même, un dimanche, j’allai pleurer à la messe de la cathédrale de Bordeaux. Dans le tréfonds de mon être, une joie commençait à se faire jour. Serait-ce possible que l’homme pût être en possession d’une telle allégresse ? Pour la première fois, le païen que j’étais ressentait, comment dirai-je ? le mouvement que crée Dieu dans l’éloignement de son abîme. C’est vous, d’abord, que j’ai reconnu, mon Père !

« Mais il fallait la pratique, afin que l’azur de la grâce montrât son mince filet dans la fissure de ce bloc d’argile que je suis. De terribles scrupules m’as-

  1. Ils sont légion, de nos jours, ceux qui, touchés par la grâce, aboutissent à cette conclusion. Et l’on se souvient de la phrase de Lotte à son ami Péguy : « Ah ! mon pauvre vieux, nous en sommes tous là ! »