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FRANCIS JAMMES

Oh ! comme cet absolu lui manquait !

Les premières ivresses passées, son âme demeurait triste et lasse. Il connut le goût de cendres du désenchantement. Et dans le malheur, de quelle utilité pouvaient lui être ces choses éphémères qu’il avait follement aimées ? La nature elle-même, qu’il croyait « une mère » n’était plus qu’une tombe.

Comment, mon cœur, n’es-tu pas mort depuis un an ?
Plus rien ! Je n’ai plus rien, plus rien qui me soutienne !…
Pourquoi fait-il si beau, et pourquoi suis-je né ?…
Il me semble entendre pleurer au fond de moi
D’un lourd sanglot muet quelqu’un qui n’est pas là !…

« Ce lourd sanglot muet était comme un appel inconscient de son hérédité chrétienne au Dieu qui manquait à son âme[1]. »

Et la grâce alors, la Grâce mystérieuse et forte, le prit par ce dégoût de la vie, par ce besoin de s’appuyer sur quelque chose qui demeure au milieu de la fuite de tous les bonheurs terrestres :

J’ai faim de toi, ô Joie sans ombre ! faim de Dieu !…

Or, Francis Jammes avait un ami qui l’exhortait à suivre le chemin qu’il avait lui-même, voilà plusieurs années déjà, osé choisir et qui l’avait mené à la certitude et à la paix : le chemin de l’Église ! Cet ami, c’était Paul Claudel. De l’Extrême-Orient, il lui envoyait des lettres pressantes. Mais Jammes hésitait.

  1. Julien Laurec. Outre l’histoire de la conversion de Jammes que donne J. Laurec dans son livre : « Le Renouveau catholique dans les Lettres », nous avons le bref récit qu’en fait le poète lui-même dans le livre du R. P. Mainage : « Les Témoins du Renouveau ».