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LE BEAU RÉVEIL

à aimer la beauté de la loi évangélique. Un goût très prononcé pour les choses humbles et simples, une certaine charité naturelle envers les pauvres et les petits, le déisme qui s’infiltrait dans son amour de la nature, un certain sentiment des beautés morales et esthétiques du catholicisme et des cérémonies liturgiques, ne voilà-t-il pas des dispositions qui rendaient légitime un espoir de conversion ?

Le sentiment de la nature, qui mène au panthéisme un Jean Lahor ou une Mme de Noailles, peut conduire aussi au vrai Dieu, et logiquement il le devrait s’il était pur. N’y aurait-il pas mené un peu Francis Jammes ? C’est tellement le chemin naturel, l’échelle de Jacob, par laquelle tout poète monte au Créateur ! Jammes s’en est aperçu, car il écrit :


« Quand s’effeuillait, dans l’agrandissement des choses,
« À travers les pertuis des dômes de ce bois,
« Sur l’eau pure, un couchant fait de bouquets de roses,
« C’est Dieu que j’appelais !…

Ce Dieu, pour qui son âme était faite, vint à sa rencontre. Et pour l’attirer à lui, il se servit de la souffrance. Ah ! l’on ne goûte pas longtemps aux fruits vénéneux du péché sans en éprouver l’affreuse amertume. Il y a tant de lie au fond des coupes dorées du plaisir ! Demandez à Musset, à Baudelaire, à Verlaine, à ce pauvre Charles Guérin ! Jammes n’était pas un débauché, mais un épicurien seulement, dont le plaisir était la seule loi. Un médiocre eût pu vivre ainsi, mais à lui il fallait un absolu.

Soyez béni, mon Dieu, écrira-t-il plus tard :

 « Soyez béni, mon Dieu, par qui j’ai recherché
L’amour d’un absolu qui manquait au péché ! »