Page:Camille Melloy - Le Beau Réveil, 1922.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
95
FRANCIS JAMMES

« Clara d’Ellébeuse », « Pomme d’Anis », « Almaïde d’Étremont. »

Il parlait quelquefois de Dieu. Il évoquait volontiers le paradis, un paradis naïf d’image d’Épinal, dans lequel il transportait les décors, les mœurs, les bêtes même de son pays natal. Certaines de ses poésies rendaient un son presque chrétien. Mais qu’on ne s’y trompe point : Jammes n’était ni pratiquant, ni croyant. Sans doute il n’était pas un blasphémateur, ni même un de ces sceptiques prétentieux qui affectent volontiers une attitude dédaigneuse, sinon une hostilité ouverte, vis-à-vis de Dieu et de la religion. Mais indifférent aux problèmes religieux, tout à la joie païenne de jouir de la vie, il traversait la nature en enivrant ses sens, voluptueusement, des beautés éparses en elle ; étonné et ravi, s’emplissant des bruissements de la terre verdoyante, comme ce Centaure qu’a magistralement décrit Maurice de Guérin ; — jeune faune qui mordait à belles dents aux fruits verts d’une jeunesse libre et ardente.

Cela ne l’empêcha point de sentir le charme poétique de ce que j’appellerais le décor de la religion :

« Je parle de Dieu, mais pourtant
Est-ce que j’y crois ?…
« Ça m’est bien égal, ceux qui disent
Qu’il existe ou non ; — car l’église
Du village était douce et grise.

Quant au vrai sentiment religieux, il ne faut pas encore le lui demander.

Pourtant, bien des qualités — celles précisément qui faisaient déjà son originalité et feraient bientôt sa gloire — semblaient devoir l’amener à comprendre et