Page:Camille Melloy - Le Beau Réveil, 1922.djvu/102

Cette page n’a pas encore été corrigée
94
LE BEAU RÉVEIL

des vers qui, l’on ne sait pourquoi, garderont leur jeunesse éternellement… On fera plus tard des vers meilleurs ; on n’en fera plus d’aussi gonflés de maladresse !

Or, en ce temps-là, le symbolisme était à la mode. Francis Jammes donna en plein dans le symbolisme. De 1891 à 1894, il publia trois ou quatre minces plaquettes intitulées tout bonnement : « Vers », qui étonnèrent par leur accent insolite et leur langue naïve. Il y avait là une simplicité si hardie, une fraîcheur si inviolée, que les lettrés daignèrent s’émouvoir. Que ces qualités fissent alors sensation, cela ne doit point nous étonner. Songez que, trop fardée et trop parée d’oripeaux par les romantiques, guindée dans son corset de rythme impeccable par les parnassiens, trop contractée et tarabiscotée par d’excentriques décadents, la poésie avait besoin de simplicité et de naturel pour se refaire belle et touchante. Reprenons un mot de Barbey d’Aurévilly : « Nous avions besoin d’un verre d’eau fraîche. » Ce verre d’eau fraîche, le poète d’Orthez nous l’apportait.

D’année en année presque, les recueils de Jammes se succédaient :

De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir (1898). Quatorze prières (1898). Le Poète et l’Oiseau (1899). Le Deuil des Primevères (1901). Le Triomphe de la Vie, Jean de Noirieu, Existences (1902).

En même temps, il se plaisait, en une prose limpide et plus poétique que ses vers mêmes, à évoquer de mélancoliques décors de province, à décrire avec une grâce et une naïveté un peu narquoise la vie humble des choses, des bêtes et des gens, à peindre délicatement de touchantes figures de jeunes filles :