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de pantalon ; il avoit de plus une grande paire de cornes, et derriere lui pendoit une longue queue. Un des deux gentilshommes éprouve un moment de frayeur ; l’autre le rassure en lui montrant que le démon n’a pas même l’esprit de souffler leurs lumieres ; ils s’avancent, tirent presque à bout portant un coup de pistolet : le fantôme s’arrête et les fixe ; cependant le spectre recule, évite de se laisser saisir : le gentilhomme avance ; l’esprit prend son parti, s’enfuit, descend un petit escalier ; le gentilhomme le suit, traverse la cour et le jardin : l’esprit ne disparoît que dans la grange. Notre brave, sans quitter la place, appelle le président : on cherche ; on découvre une trappe, qu’un verrou fermoit dans l’intérieur ; on fit sauter la trappe, et dans le souterrain on trouva notre pantalon caché sous des matelas qui l’avoient reçu dans sa chute. On reconnut l’honnête fermier couvert d’une peau de buffle à l’épreuve du pistolet : il avoua toutes ses ruses, et se tira d’affaire en comptant à son maître les arrérages de cinq années.

La morale a moins perdu dans cette contrée par la révolution que dans beaucoup d’autres pays ; la paix et l’union y regnent ; la tendresse paternelle, la piété filiale, la fidélité conjugale y sont en honneur. Un peu d’emportement, cette chaleur naturelle à l’esprit du Picard, y donne lieu quelquefois à des procès, qui presque tous finissent chez le juge-de-paix.