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tre ceux qui n’étoient point encore sortis en campagne, n’eût pu sembler autre chose que battre l’air à clos yeux. Mais enfin l’issue a bien été autre que je n’espérois ; car ces jaseurs ont été si soigneux et diligents à augmenter leur faction, qu’ils ont jà at tiré en leur erreur je ne sais combien de mille personnes. Même le mal, à ce que je vois, s’est rengrégé ; car au commencement quelques-uns seulement caquetoient en confus que les âmes des trépassés dorment, et ne donnoient point à entendre que c’est qu’ils vouloient dire par ce somne. Depuis, sont sortis ces bourreaux d’àmes qui les égorgent tout à fait, mais sans plaie. Or j’estime que l’erreur des premiers n’est pas à supporter, et qu’il faut vivement réprimer la rage de ceux-ci ; même que tous deux ne sont fondés sur raison ni jugement quelconque. Mais il n’est pas aisé de le persuader aux autres, sinon que je réfute publiquement le sot babil de ces galants, et leur résiste en barbe ( comme on dit), découvrant leurs men songes, lesquels ne se peuvent apercevoir qu’en leurs écrits. Or on dit qu’ils font courir leurs songes et rêveries en je ne sais quels brevets qu’ils sèment par-ci par-là, lesquels je n’ai encore pu voir. Seulement j’ai reçu d’un ami quelques petits avertissements, èsquels il avoit rédigé par écrit ce qu’il leur avoit ouï dire en passant, ou qu’il en avoit pu recueillir par-ci par-là. Combien donc que l’une des excuses me soit à demi ôtée par ces avertissements, si est-ce qu’il m’en reste encore la moitié. Mais d’autant qu’ils n’attirent pas moins de gens en leur erreur par leurs bruits confus et babil qu’ils ont tant à main, que s’ils avoient fait imprimer des livres qui courussent par le monde, je ne sais comment je me pourrai purger de trahison envers la vérité de Dieu, si en une si grande nécessité je me lais et dissimule. Certes, d’autant que j’espère que mon labeur pourra être grandement utile aux plus rudes et moins exercés, et ser vir aucunement à ceux qui sont moyennement savants, lesquels se seront peu amusés à cette matière et argument, je ne craindrai point démettre entre les mains des gens de bien la raison de ma foi, non pas peut-être si bien équipée de toutes armes pour pouvoir donner l’assaut aux ennemis, ni si bien munie de forteresses qu’elle les engarde d’approcher ; mais pour le moins