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jugement, qu’au contraire cela seul pourroit servir de certain argument pour l’approuver ; d’autant que nul ne s’y est jamais opposé, qui n’ait expérimenté qu’il s’adressoit non point contre un homme, mais contre un vrai serviteur de Dieu. Aussi se peut-il affermer (et tous ceux qui l’ont connu en seront bons et suffisants témoins) que jamais il n’a eu ennemi, qui, en l’assaillant, n’ait fait la guerre à Dieu. Car, depuis que Dieu a fait entrer son champion en cette lice, il se peut bien dire que Satan l’a choisi, comme s’il avoit oublié tous les autres tenants, pour l’assaillir, et du tout attérer, s’il eût pu. Mais, d’autre part, Dieu lui a fait cette grâce, qu’il l’a orné d’autant de trophées qu’il lui a opposé de ses ennemis. S’il est donc question des combats qu’il a soutenus par dedans pour la doctrine, rien ne les peut faire sembler légers que la diligence de laquelle il a usé pour ne donner loisir à ses ennemis de reprendre haleine, et la constance que Dieu lui avoit donnée pour jamais ne fléchir, tant soit peu, en la querelle du Seigneur. Les anabaptistes en feront foi, lesquels, peu après le commencement de son ministère en cette Église, c’est à savoir l’an 1536, il sut si bien et heureusement manier en publique dispute, sans que le magistrat y ait mis la main, que dès lors la race en fut perdue en celle Église ; ce qui est d’autant plus admirable, que la plupart des Églises d’Allemagne en sont encore bien fort empêchées ; et, s’il y en a qui en soient délivrées, ç’a été plutôt par rigueur de justice qu’autrement. Il eut un autre combat à soutenir contre un apostat nommé Caroli, sur plusieurs calomnies ; lequel, étant semblablement abattu tant par écrit que de bouche, et déchassé de l’Église de Dieu, est mort misérablement à Rome dedans un hôpital, pour servir d’exemple à ceux qui se révoltent de Jésus-Christ, pour suivre un maître qui récompense si mal ses serviteurs et en ce monde et en l’autre. En un autre temps, c’est à savoir l’an 1553, Michel Servet, Espagnol, de maudite mémoire, survint, non pas homme, mais plutôt un monstre horrible, composé de toutes les hérésies anciennes et nouvelles, et surtout exécrable blasphémateur contre la Trinité, et nommément contre l’éternité du Fils de Dieu. Cettui-ci, étant arrivé en cette ville, et saisi par le magistrat à cause de ses blasphèmes, y fut tellement et si vivement combattu, que, pour toute défense, il ne lui demeura qu’une opiniâtreté indomptable, à raison de laquelle, par juste jugement de Dieu et des hommes, il fina par le supplice de feu sa malheureuse vie et ses blasphèmes qu’il avoit dégorgés de bouche et par écrit par l’espace de trente ans et plus. Environ deux ans auparavant, s’étoit présenté un certain triacleur, carme, et soudain devenu de théologien médecin, nommé Hiérome Bolsec, de Paris, lequel, pour se faire valoir, pensant être arrivé en son cloître, et non en une Église de Dieu, de laquelle il n’avoit jamais rien su que par ouï-dire, et puis aussi sollicité par quelques garnements, desquels il sera parlé ci-après, commença en pleine congrégation de reprendre la doctrine de la providence et prédestination éternelle : comme si nous faisions Dieu auteur de péché et coupable de la condamnation des méchants I Calvin s’opposa sur-le-champ à ce loup déguisé, et lui répondit tellement de bouche en public et en particulier ; et puis aussi par écrit, que rien ne demeura à l’adversaire de vérité, qu’une seule impudence monacale, qui l’a