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VIE DE MÉLANIE

sur moi mesquine créature, et que ce fut Dieu qui permit que je ne fusse jamais caressée ni embrassée par ma chère mère. La première fois que je me rappelle avoir été baisée par elle, ce fut vers l’année 1851, à l’occasion de ma prise d’habit chez les sœurs de la Providence, de Corenc. Si ma mère n’avait pas agi comme elle fit, qu’en aurait-il été du salut de ma pauvre âme, naturellement faible et inclinée à trop d’affection pour les personnes qui m’auraient manifesté de la sympathie, de l’amitié !

Après environ trois jours, ma tante me conduisit chez mes parents ; et dès que mon père revint de son travail, le dimanche, elle lui parla. Il paraît qu’entre les plaintes qu’elle lui fit, elle dit qu’on me faisait souffrir de la faim. Je m’aperçus que ma chère mère était triste, affligée, peinée. Parmi tant de défauts j’avais celui d’être très sensible pour les chagrins d’autrui. La voyant triste, je voulus la consoler. Je mis une chaise près de la sienne afin d’y monter pour l’embrasser ; elle me repoussa. Je pleurais de ne pouvoir me satisfaire ; alors mon père m’embrassait et me donnait le Christ, seul objet de piété qu’il y eût dans la maison.

Avec le Christ en main j’étais contente : je