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VIE DE MÉLANIE

feu et on les obligeait à se tenir debout. À moi il n’y avait rien de ces tortures, et cependant je m’imaginais souffrir presque beaucoup. Par là on peut juger de mon peu d’amour, de mon peu de générosité et de zèle à réparer mes fautes et celles des mondains dans l’excessive recherche des commodités.

Un dimanche, en sortant après mes vaches pour les conduire au pâturage, je rencontre mon père qui venait me voir. Il paraît que les habitants de ces villages étaient allés prier mes parents de me retirer de chez le Moine, s’ils voulaient me conserver la vie, et leur avaient dit des choses bien pénibles et peut-être exagérées. Enfin mon père me demanda si à midi je quittais le pâturage. À ma réponse négative il me dit : « Tu portes donc de quoi manger à midi ? » — « Oui, » lui dis-je. — « Fais-le moi voir. » — « C’est dans ma poche, papa. » — « Je veux le voir ». Je sortis de ma poche le morceau de pain, mon père le prit, l’examina et le lança par terre en me disant : « Fais rentrer tes bêtes dans leur écurie : j’ai à parler avec tes maîtres. » Je fais revenir les bêtes et mon père me dit : « Regarde ; ni les vaches ni les chèvres n’ont voulu de ton pain doublement moisi. Et ce