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mie s’y reprit à deux fois. Mme Colet laisse entendre que les sublimités de son Acropole étaient sans rivales, mais que les poètes, seuls capables de les comprendre, se trouvaient absents : Victor Hugo en exil, Musset en voyage, Lamartine et Vigny dans leurs terres. Les simples prosateurs n’écoutèrent pas. Le concours fut ajourné. L’année suivante les poètes, revenus, se seraient empressés de réparer en faveur du mérite un retard vivement déploré.

Tel est le récit qu’imprima la blonde Muse, fille chérie des Immortels, leur « Inspirée » dont les longues boucles soyeuses encadraient à l’anglaise, sous un front trop vaste, deux yeux bleus prêts à sourire et des lèvres qui dédaignaient rarement de s’entr’ouvrir. Elle a donc justifié ses succès par des motifs tout littéraires ; mais les concurrents, évincés à cause d’elle, ont insinué d’autres raisons qu’elle a traitées de calomnies. Et cependant n’est ce pas elle-même qui, dans un roman confidentiel, a soulevé quelques coins du voile ? Et certaine correspondance contemporaine ne nous a-t-elle pas permis de voir la réalité des choses comme si le voile était tout à fait tiré ? Il ne nous convient pas de pénétrer sans scrupule dans le cabinet intime de l’histoire ; toutefois, puisque ces pages ont pour sujet Leconte de Lisle, il faut bien que j’y mentionne la révélation que le hasard lui ménagea.

Leconte de Lisle fut en tout temps un homme de relations ; il allait notamment aux soirées de quinzaine chez Louise Colet qui, rue de Sèvres, en face de l’Abbaye-aux-Bois, essayait de faire revivre le brillant salon laissé naguère en déshérence par la mort de Mme Récamier. En dehors de ces soirées, il rendait ses devoirs par quelques visites de jour, et


    comportait-il, de la part des académiciens-poètes, de tels transports admiratifs ? L’auteur seule a pu répondre par l’affirmative.