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elle a, la première, donné l’exemple en pratiquant, à l’encontre de la religion chrétienne, la plus sainte tolérance.

Il faut cependant reconnaître que l’efficacité du bouddhisme est surtout négative. Il enseigne le renoncement, les aversions pour ce qui peut être un objet de possession ; par là même il détourne de l’action. Suivant lui la vie, c’est le mal ; vivre, c’est détruire. Aux déceptions, aux détresses, aux craintes de déchéance, aux chances d’expiation qui sont la conséquence fréquente de nos agitations, il propose comme unique remède le dédain de tout effort et l’affranchissement de la passion. La récompense qu’il offre au sein du Nirvana n’est qu’une cessation. C’est la fin de toute vicissitude ; elle s’acquiert par la voie de l’indifférence, du quiétisme endurant, des mornes résignations, et consiste en une sorte d’idéalisme inerte, de béatitude passive dans l’irréelle pureté de l’impalpable lumière.

Cette inaction contemplative n’était pas pour déplaire à Leconte de Lisle, en qui la chair était plutôt tranquille et dont les mouvements avaient une apparente lenteur, sorte d’état intermédiaire entre la vie militante et le calme ascétique. En dépit de sa cérébralité combative, il put envier, pour la bonne paresse du corps, l’ineffable paix du Nirvana.

De plus, comme il était Latin, nourri de l’idéal antique, il eut une tendance à paganiser son rêve d’absorption suprême, et non seulement il s’adresse au paradis védique, le cœur sept fois trempé dans le néant divin, mais encore à la Nature, pour évoquer en elle la fusion de l’être qui s’évanouit dans le grand Tout.


Nature ! Immensité si tranquille et si belle,
Majestueux abîme où dort l’oubli sacré,
Que ne me plongeais-tu dans ta paix immortelle,
Quand je n’avais encore ni souffert ni pleuré ?