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gueur ensoleillée, aux jours d’ardente lumière, tous ces jeunes esprits se révoltaient contre les ténèbres. Ils avaient voué la même horreur à tout ce qui pèse sur l'existence humaine, et leur haine des tyrannies, leur passion de liberté les avait exaltés d’un idéal d’action, quand le 24 février 1848 vint faire entrer dans le domaine de la pratique leur rêve de République.

Obéissant à l’énergie de son tempérament actif, de Flotte allait de club en club porter la bonne parole. À l’Institut, au Palais-National, à la salle Molière, au Conservatoire de musique, siège du club de la Société des Droits de l’homme, dont il était l’un des principaux orateurs et que présidait Blanqui, partout où la tribune était libre, il soutenait ces théories de logique irréductible qui le firent accuser de rêver l’anéantissement du bourgeois et la destruction du Grand-Livre. De taille élevée, l’œil enfoncé, le regard profond, l’air inspiré, la voix caverneuse, il semblait, me dit une dame qui l’avait entendu, « nous inviter à manger de l'homme tout cru », tandis qu’il était en réalité doux et sensible. Leconte de Lisle avait pour de Flotte des tendresses de sentiment particulières. N’étaient-ils pas « frères en religion ultra-jacobine », tous deux socialistes blanquistes ?

Le nom seul de Blanqui représentait alors dans l’esprit du paisible rentier le terrorisme niveleur : il épouvantait ; et cependant Blanqui fut un des rares présidents qui surent maintenir les discussions dans les limites d’une modération relative. Bien dirigé, son club prit une influence qui devait singulièrement grandir avec la suite des événements ; il inquiéta Ledru-Rollin qui, pour rester maître des forces républicaines de Paris et pour s’en faire un appui de gouvernement, aida le club Barbès à s’organiser en Comité central.

Sous le nom de Club des clubs, ce comité parvint à grouper deux cents d’entre les clubs parisiens ; il leur transmettait le mot d’ordre par l’intermédiaire du