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En août 1870, lors de la déclaration de guerre il se trouvait à Paramé sur la côte bretonne où l’avaient entraîné des amis ; il s’y trouvait comme à l’habitude dans des conditions supérieures à ses moyens, ce dont il se plaignait et ce qui par conséquent aurait dû le faire réfléchir sur les avantages des pensions. Or, écrivant peu de temps après les premières défaites à l’un de ses familiers, il n’eut pas de mots assez durs à l’adresse des misérables dont l’impéritie criminelle avait jeté la France en de tels désastres et, grâce à cette persistance de son attitude anti-césarienne, il restait coté très haut dans le parti républicain. Après le 4 septembre, ce même parti réclamait, pour le mois d’octobre, des élections générales que les embarras de la résistance, la crainte d’augmenter le trouble dans lequel se débattait Paris, et surtout l’impossibilité de consulter en un appel simultané la France entière firent reculer jusqu’au mois de février 1871. Toutefois des réunions préparatoires pour la formation des comités avaient eu lieu et dans plusieurs de ces comités, comme les listes de candidats possibles étaient discutées, Leconte de Lisle fut tout naturellement présenté. Ne semblait-il pas devoir être des premiers à prendre rang parmi les lutteurs de 1848 pour qui l’heure tardive de la réparation était enfin arrivée. Son nom fut même de ceux sur lesquels les indications de suffrage se rallièrent le plus volontiers, et les admirateurs, qui l’avaient mis en avant, furent si surpris de leur succès qu’ils entrevoyaient déjà pour le grand poète, dont s’enorgueillissait la pensée libérale, quelque porte-feuille de l’Instruction publique. Et ce n’est pas l’hallucination d’esprits prévenus par un excès d’amitié, le rêve de deux ou trois isolés que je rapporte, c’est un certain état d’enthousiasme, limité sans doute aux comités dans lequel il se manifestait, mais assez généralisé. En réalité Leconte de Lisle était, pour le parti l’une des gloires latentes dont on