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lancé contre la destinée jalouse qui, de l’infini du passé dans l’infini de l’avenir, a marqué pour le crime ou la souffrance le pâle et douloureux troupeau des deshérités. Et cette pitié, qui se dresse en clameur vengeresse, est si bien l’expression d’un cerveau superbe et d’un cœur miséricordieux que Leconte de Lisle s’y reflète par ses meilleures facultés. À tous ceux que la prescience divine a désignés pour le malheur expiatoire, il a voué sa compassion qu’il étendait même, en dépit de ses intolérances religieuses, jusqu’à Jésus, Pour lui le Roi-Christ, qui but l’hysope avec le fiel, n’est que le supplicié de la Croix éternelle, le lamentable prédestiné du Jardin des Oliviers et du lamma sabacthani, douce victime


Qui, jusques au tombeau priant et bénissant,
Ne versa que ses pleurs et que son propre sang.


Il l’invoque comme le plus grand des Sacrifiés, comme le Maître divin de la souffrance humaine :


Cadavre suspendu vingt siècles sur nos têtes,
.................
Tu n’auras pas menti, tant que la race humaine
Pleurera dans le temps et dans l’éternité.


Puis il le sépare de l’Église qui, brûlant et massacrant, a profané la doctrine de clémence et d’amour :


Ô moine, tout gorgé de chair et de sang d’homme,
.................
Qui t’a dit de tuer en mon nom, assassin ?
Loup féroce, toujours affamé de morsures,
Tes ongles et tes dents ont lacéré mon sein.
Et ta bave a souillé mes divines blessures.


Et c’est bien la sainte victime, le douloureux apôtre de la miséricorde, qu’évoquent les Paraboles de dom Guy, le Massacre de Mona, l’Agonie d’un Saint, le