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L’effet d’unité, d’impression homogène, en est diminué ; la scène perd de sa grandeur. Oui, lorsqu’avant d’accomplir le sacrifice Agamemnon, élevant les mains qu’un héraut vient de purifier, prononce ces paroles sur le ton des solennelles prières : « Soleil qui vois tout, Fleuves et Terre, et vous Puissances souterraines, vengeresses du parjure, soyez témoins et veillez à la foi de nos serments », n’apparaît-il pas clairement que les trois noms, translatés en bon langage de France, Soleil, Fleuves et Terre, s’imposent par plus de simplicité, par plus de force sereine que ce jargon en deux idiomes : « Hélios, Fleuves et Gaïa ».

Combien d’autres difficultés surgirent que Leconte de Lisle ne put résoudre à sa satisfaction. Certains qualificatifs, caractérisant l’un des attributs essentiels d’un Dieu, n’ont-ils d’autre valeur que celle d’épithètes accessoires ou font-ils corps avec le nom ; ce qui revient à dire : doit-on les traiter comme ce nom et leur laisser leur physionomie grecque ou doit-on les traduire comme n’importe quelle épithète ? Pour Phébus Apollon, Apollon qui brille, la réponse ne comporte pas de doute. La forme grecque a passé presque sans changement dans notre langue qui l’emploie communément comme équivalent mythique ; Leconte de Lisle le reproduit donc figurativement : Phoibos Apollôn. Mais quand ce même Apollon est appelé « lanceur de traits au loin », Hékébole, Hékatébole ou bien Argyrotoxe « à l’arc d’argent », quand cette appellation paraît avoir été le double du nom, qu’elle accompagne ou qu’elle remplace indifféremment, faut-il traduire par la périphrase française ou transcrire le mot grec littéralement. Leconte de Lisle tenait pour cette seconde alternative. Il avait conscience que la périphrase française « lanceur de traits au loin » n’élevait pas à des proportions surhumaines le rôle divin que devait évoquer dans le cerveau d’un grec contemporain d’Homère la pensée du céleste Hékébole. Chez ce Grec, placé si près de l’origine des mythes, le nom de Celui