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comme une gloire disparue. En dehors des simples titulaires de chaires d’enseignement, tels que Larcher et Gail, on put compter encore, parmi les survivants de l’hellénisme, Clavier qui fut célèbre pour les grâces légères de sa femme tout autant que pour son consciencieux esprit d’érudition ; il eut pour émule son gendre Paul Louis Courier, qui fit honneur aux lettres grecques en même temps que Boissonade ; mais, parmi les contemporains de Leconte de Lisle, qui citait-on ? Alexis Pierron, qui tint plus tard la classe de seconde au lycée Louis-le-Grand, homme de devoir et de discipline, malheureusement estropié de la main droite et qui passait en lecture ancienne pour un estropieur ; Émile Egger, esprit aimable, plus ouvert à toutes choses qu’à la critique originale, et par cela même accusé de rester indifférent aux découvertes savantes faites à l’étranger. Ses jaloux le disaient « suffisant par excès d’insuffisance » et s’amusaient à lui voir faire en France les honneurs de l’hellénisme comme un souverain de son royaume. On citait aussi des professeurs qui pouvaient, à la suite d’une longue pratique spéciale, reproduire exactement le sens matériel dont ils laissaient échapper le suc essentiel, c’est-à-dire le sens profond, le sens inspiré, correspondant à l’âme de l’auteur en contact avec l’âme du peuple qu’elle reflète.

Quant à Leconte de Lisle, il n’avait même pas à son service cette expérience du professeur. Lorsqu’il s’était perfectionné dans la connaissance du grec tout en étudiant son droit à Rennes, il n’avait guère fait qu’un apprentissage de bon élève et, pour suppléer à la faiblesse de ses études antérieures, il était obligé de s’aider des traductions interlinéaires grecques-latines. Comment, astreint à suivre presque servilement ces modèles de juxtaposition, aurait-il pu s’élever au rôle d’illuminateur, de révélateur extra-lucide, capable de sonder l’obscurité des textes et d’en dévoiler les mystérieuses beautés ? La nécessité de s’en