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comme son successeur, alors qu’au temps des acrimonies, méprisant mais ne médisant pas, il s’était contenté de simples ripostes. Le pire qu’il eût dit contre Leconte de Lisle, c’est qu’Eschyle n’avait pas été traduit.

Savait-il si bien dire ? Avant qu’un texte classique soit susceptible de se prêter à la traduction, il faut au moins que son fond originel subsiste assez intact. Or, sauf les Perses qui nous sont parvenus sans trop d’altération, les drames d’Eschyle, ceux de la Trilogie notamment, sont très défigurés. Quant au Prométhée enchaîné, sur onze cents vers qu’il comporte certains hellénistes n’en comptent pas deux cents dont l’intégrité paraisse tant soit peu certaine.

D’une manière générale, pour se reconnaître, à l’égard des textes antiques, dans le chaos des interpolations et des déformations successives, pour en dégager même approximativement la leçon primitive, il faut non seulement connaître la langue dans le sens matériel et jusque dans le secret de la diction, mais encore distinguer le style propre à chaque auteur, et chez chaque auteur les différentes manières. Il faut la divination critique, la communion intime avec la pensée grecque aux époques que l’on interprète.

La France a possédé de ces grands humanistes, Henri Estienne, Casaubon, Valois, Saumaise ; mais leurs meilleurs disciples ont été comme eux huguenots ou libres-penseurs et la Révocation de l’Édit de Nantes les a dispersés en Allemagne, en Hollande, en Angleterre. Il resta les deux frères Boivin, Louis et Jean, tous deux catholiques, les Dacier, la femme et le mari, qui se convertirent ; ils furent les derniers et les moindres représentants de la grande critique d’intuition, qu’on peut dès lors considérer en France


    présenté, pour succéder à Joseph Autran. Il n’obtint que deux voix, celle d’Auguste Barbier s’étant jointe à celle de Victor Hugo.