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morale, il a proclamé la joie du péché, ce qui devait l’entraîner en philosophie, à mélanger de diabolicisme son catholicisme extra-chrétien. Et, si l’on ajoute qu’il paraissait constamment prêt à couper les oreilles de quiconque n’acceptait pas comme vérité sociale la suprématie de la naissance aristocratique et de l’élégance physique, on aura complété le décompte de ses affirmations les plus choquantes, les plus exaspérantes, les plus térébrantes, pour une intelligence orientée, comme l’était celle de Leconte de Lisle, vers des aspirations absolument contraires, butée pour ainsi dire à rebours et tout aussi sectaire dans le sens diamétralement opposé.

Mais ce qui pouvait susciter surtout contre Barbey les représailles, attirer sur lui les colères ou les moqueries, c’était sa fulminante critique, rédigée par coups de dynamite pour pulvériser les ennemis de son dandysme catholique. Ses fusées explosives, lancées d’une main surannée comme par un revenant d’un ex-bataillon de chevau-légers, lui donnaient un faux air d'anachronisme et ses foudroiements, qui paraissaient s’être trompés de temps, rendaient parfois un peu bouffonnes ses attitudes de marquis au picrate.

Ce n’est pas qu’il ne fût doué de puissance imaginative et même de sens épique. Parmi ses meilleures inspirations littéraires, on cite l’Ensorcelée, qui passe pour son chef-d’œuvre, et son chevalier Destouches. Ne lui contestons donc pas l’impulsion du génie, les dons de folie peu commune qui lui permettaient de sauver par des contrastes de délicatesse heureuse les incohérences démoniaques que lui seul pouvait se permettre. Et, de même qu’on l’a parfois rencontré conduisant une dame à la main avec l’air magnifique d’un vainqueur enlevant un trophée, de même on est obligé de reconnaître qu’en maintes pages il a mené glorieusement la pensée. On a dit qu’il fut un « prestigieux dément ». Est-ce à cause de