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Dès avant 1870, combien, avec Xavier de Ricard, Nina de Callias, Charles Cros, gravitèrent à ses côtés. Plus tard, quand il eut pris ses vingt-sept ou vingt-huit ans, il entraîna dans son orbite Bourget, Robert de Bonnières, Frédéric Plessis et récemment, à son âge mûr, nous l’avons vu suivi d’enthousiasme par toute une jeunesse qui l’a même proclamé le Prince de la Prose.

J’ai consacré quelques lignes à de Ricard ; Nina, Charles Cros ne parurent pas chez Leconte de Lisle. Quant aux autres, ils y vinrent tard, entre le premier et le dernier salon, c’est-à-dire à l’époque de malaise et d’attente qui pour Leconte de Lisle, suivit la période de combat et précéda la période du succès. Avec le succès arrivèrent les dames ; avec les dames la déchéance. Or, voulant borner mon étude au cycle héroïque, aux années de bataille, je laisserai de côté les années intermédiaires, qui m’amèneraient à parler de celles où les princesses étrangères et les juives millionnaires vinrent remplacer auprès du maître les vieux compagnons et lui faire oublier les luttes d’autrefois.

Les femmes riches qui s’ennuient ont besoin d’un joli jouet. Comme elles peuvent payer la qualité, mettre le prix à leurs caprices, elles s’abattent sur le génie. Proie facile. Souvent le feu supérieur s’est allumé dans une faible argile et la lucide intelligence se trouve sans défense devant les belles amies qui s’emparent d’abord de la matière fragile, accaparent le corps qu’elles amollissent de luxe et qu’elles enveloppent de douceur. Elles deviennent pour lui le sirop épicérastique, sous l’édulcoration duquel le génie se fond et glisse parfois jusqu’à tomber en poicerie.

Leconte de Lisle n’était pas de ceux qui pouvaient perdre la conscience de leur passé : mais, s’il ne se diminua pas, il s’affaiblit. Il récrivit des vers d’amour, rêva de vanités satisfaites, se livra sans réserve aux joies mesquines de l’homme qui s’efféminise. Il tendit