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l’ancien temps, il passait pour utiliser avantageusement son renom de critique en meublant, avec le concours de grands tapissiers, des hôtels ou des appartements qui prenaient une plus-value, puis trouvaient de riches acquéreurs par le seul fait qu’ils avaient pour parrain l’un des arbitres du goût. Fût-il réel, ce mode d’opérations n’aurait rien eu que de légitime ; mais il impliquait, dans l’esprit des lettrés purs, la pensée d’une habileté spéciale pour les affaires, c’est-à-dire un sous-entendu de diminution. En outre les livres d’Arsène Houssaye, jugés sans indulgence par la jeune génération, étaient regardés comme des étoiles filantes, météores sans durée qui ne sont pas nés pour laisser de traces. L’Artiste, revue de grand format datant de 1831 et qu’il dirigeait sans la rajeunir, avait un air « vieux beau ». Je n’exprime point mon opinion personnelle puisque je résume les impressions d’un groupe et d’un moment ; toutefois je puis ajouter qu’aux yeux d’une certaine jeunesse, admise à ses fêtes et prompte à les critiquer, Arsène Houssaye, qu’on appelait Houssette pour marquer phonétiquement la forme de son vrai nom Housset, avait littérairement et mondainement la réputation d’un remarquable metteur en scène de joli toc. Quelle fut donc la surprise, je dirai presque l’admiration lorsqu’à l’âge d’un enfant, ayant hérité de quelque fortune de sa mère et s’étant trouvé maître de sa destinée dans un milieu de séduisants mirages, le fils de l’étincelant mondanisant apparut réservé, poli, discret et tenant sous le bras un in-octavo qui témoignait des tendances les plus distinguées et de la plus décente application.

Et cet étonnement qu’il provoquait se justifia d’autant mieux qu’Henry Houssaye portait en lui la raison d’être de tous les entraînements, car il était mieux qu’un très joli garçon. Mince, élancé, privé des larges épaules et du puissant thorax qui suggestionnent les féminins désirs, il possédait la délicate attirance d’un éphèbe gracile. La tête était grecque par la propor-